jeudi 24 novembre 2016

À Goma, les femmes à l’assaut des travaux jadis réservés aux hommes



 (RCN Justice & Démocratie-UCOFEM-JED) Autrefois réservés aux seuls hommes de Goma, au Nord Kivu, certains travaux nécessitant le déploiement des muscles sont désormais et bien pratiqués par les femmes. Celles-ci ne font qu’appliquer le prescrit de la constitution et du code de travail, ce qui leur permet de prendre leurs familles en charge.
Elles ont entre 20 et 60 ans, ces femmes qui s’intéressent  aux métiers naguère réservés aux hommes, entre autres les travaux publics, la maçonnerie, la peinture ou la conduite automobile. Travaillant depuis deux ans comme chef de chantier de la Brigade 1111, à l’Office des routes, dans le territoire de Masisi, et  superviseure des travaux de réhabilitation de la route Sake-Masisi, Elodie Mirindi est la seule femme de son entreprise. Elle se sent à l’aise dans ce travail qui autrefois semblait n’appartenir qu’aux hommes. «Tout se passe bien avec mes collègues de service. Je suis la seule femme ingénieure au niveau de l’Office des Routes Goma. Cela fait de moi une femme exceptionnelle dans mon entreprise. En tant que chef de chantier, mes subalternes qui sont pour la plupart des hommes, me respectent», indique Elodie Mirindi, ingénieure en Bâtiment et Travaux publics. Et d’ajouter: «grâce à ce travail, j’ai réussi à m’acheter une parcelle dans la ville de Goma et les travaux de construction s’y déroulent déjà. Ensuite, je paie les frais scolaires de mes neveux et cousines. En sus, je prends en charge certains membres de ma famille élargie et restreinte»
De son côté, Victorine Mumbiya, une autre femme courageuse de Goma, ayant suivi sa première formation en maçonnerie au Rwanda, en 2002, après son retour  en République Démocratique du Congo, elle  a bénéficié d’une autre formation en maçonnerie au centre don bosco Ngagi en territoire de Nyiragongo, non loin de la ville de Goma pour consolider ses connaissances.  En tant que maçonne qualifiée, Mumbiya a déjà participé à la construction de plusieurs bâtiments, tant publics que privés. «C’est depuis la disparition de mon mari que j’ai pris la décision de devenir maçonne afin de subvenir aux besoins de ma famille. Je suis très fière de mon métier, bien que la plupart de gens qui me voient sur un chantier, se posent trop des questions sur moi. Je collabore bien avec mes collègues maçons. Chacun remplit la tâche lui attribuée par le chef de chantier, chaque jour. Aujourd’hui, par exemple, je suis au rez-de-chaussée en train de faire le crépissage, ce qui est ma tâche du jour», se félicite-t-elle avant de se réjouir: «ce travail me permet de scolariser mes enfants. Il y a deux qui ont obtenu leur diplôme d’Etat, l’un en construction et l’autre en pédagogie générale. Je suis ravie de mes réalisations en tant que veuve depuis 14 ans, en dépit  de mon âge, sexagénaire».

Peintre professionnelle à 20 ans, cela fait deux ans depuis que Wisline Katungu  exerce avec passion, ce métier qu’elle a appris d’une formation spécifique de six mois. Dans sa carrière professionnelle, elle peint déjà des maisons et autres objets d’art. «Devenir peintre était mon rêve d’antan, raison pour laquelle j’exerce avec soins mon métier », déclare-t-elle. Elle poursuit: «en outre, je paie les frais scolaires de mon frère de la troisième année primaire. Pour moi, c’est une satisfaction de prendre en charge l’un de mes frère».  
Dans le domaine des transports en commun à Goma, Esther Hadassa est la première conductrice d’un véhicule. Elle est contente d’avoir ouvert la voie à d’autres femmes, dans ce secteur. C’est depuis environ deux ans qu’elle œuvre comme chauffeur de minibus, empruntant les mêmes  tronçons que ses collègues hommes. Ce, quel que soit l’état de la route. «J’aime faire ce que les autres femmes rechignent. Je suis la propriétaire du minibus que je conduis. C’est qu’il faut savoir, je gagne ma vie en étant chauffeur de minibus de transport en commun», renseigne la conductrice.
Soutenue par la loi
Généralement, ces femmes passent la plupart de leur temps aux côtés des hommes, en train de travailler. L’article 2 du code de travail congolais, à son alinéa 1, stipule: «Le travail est pour chacun un droit et un devoir. Il constitue une obligation morale pour tous ceux qui n'en sont pas empêchés par l'âge ou l'inaptitude au travail constatée par un médecin». Me John Kazembe, avocat au barreau de Lubumbashi, exerçant à Goma, explique que les lois de la République donnent à la femme la possibilité de travailler dans le secteur de son choix, sans attendre l’autorisation de son mari, si elle est mariée. La constitution de la RDC à son article 14 stipule : «  que le pouvoir public doit assurer qu’il n’y ait pas de discrimination à l’égard de la femme. Le fait de voir les femmes  dans les secteurs de travail, être considéré comme des hommes, est une chose à encourager, car de notre côté, nous voyons qu’il y a une prise de conscience chez la femme», indique-t-il. En effet, l’article 14 de la constitution stipule ce qui suit: «Les pouvoirs publics veillent à l'élimination de toute forme de discrimination à l'égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits. Ils prennent, dans tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation. Ils prennent des mesures pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée. La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L'Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans les dites institutions. La loi fixe les modalités d'application de ces droits».
Appréciées par tous 
La majorité des collègues de service de ces femmes ne trouvent pas la différence dans l’exercice de leur métier. Tel est le cas de Faustin Safari, chef de chantier sur lequel Victorine Mumbiya travaille comme maçonne. Il apprécie la façon dont elle exerce son métier. «Depuis que j’ai commencé à travailler comme maçon, c’est ma première fois de travailler avec une femme maçons. J’ai eu à travailler avec les femmes aide-maçons, mais pas avec des femmes maçonnes qualifiées comme Victorine. Elle fait un travail excellent et de qualité et au même rythme  que les hommes», témoigne Faustin Safari.
«Elodie Mirindi est une femme courageuse. Lorsqu’elle s’était inscrite à l’institut de bâtiments et travaux publics (IBTP) personne de la famille ne croyait qu’elle irait jusqu’au bout. Aujourd’hui, c’est elle qui prend en charge notre famille. En cas de problème, surtout financier, nous recourons souvent à elle. » Indique Katembo Mwira, l’un des cousins d’Elodie Mirindi.
Me Prisca Kamala, avocate au barreau de Goma, pense que les gens qui voient la femme exercée l’un des métiers jadis réservés aux hommes par la société, souvent ils sont surpris de ce que fait cette femme. «Les femmes qui font ce genre de travail sont critiquées par les hommes quand elles échouent mais si elles réussissent ces derniers manquent quoi dire ». Pour elle « la société doit évoluer en laissant la femme travaillée à compétence égale avec les hommes ».
Valentine…