(RCN Justice & Démocratie-UCOFEM-JED) Autrefois réservés aux seuls hommes
de Goma, au Nord Kivu, certains travaux nécessitant le déploiement des muscles
sont désormais et bien pratiqués par les femmes. Celles-ci ne font qu’appliquer
le prescrit de la constitution et du code de travail, ce qui leur permet de
prendre leurs familles en charge.
Elles ont entre 20 et 60 ans, ces femmes qui
s’intéressent aux métiers naguère
réservés aux hommes, entre autres les travaux publics, la maçonnerie, la
peinture ou la conduite automobile. Travaillant depuis deux ans comme chef de
chantier de la Brigade 1111, à l’Office des routes, dans le territoire de
Masisi, et superviseure des travaux de
réhabilitation de la route Sake-Masisi, Elodie Mirindi est la seule femme de
son entreprise. Elle se sent à l’aise dans ce travail qui autrefois semblait
n’appartenir qu’aux hommes. «Tout se
passe bien avec mes collègues de service. Je suis la seule femme ingénieure au
niveau de l’Office des Routes Goma. Cela fait de moi une femme exceptionnelle
dans mon entreprise. En tant que chef de chantier, mes subalternes qui sont
pour la plupart des hommes, me respectent», indique Elodie Mirindi,
ingénieure en Bâtiment et Travaux publics.
Et d’ajouter: «grâce à ce travail, j’ai
réussi à m’acheter une parcelle dans la ville de Goma et les travaux de
construction s’y déroulent déjà. Ensuite, je paie les frais scolaires de mes
neveux et cousines. En sus, je prends en charge certains membres de ma famille
élargie et restreinte».
De son côté, Victorine Mumbiya, une autre femme courageuse de
Goma, ayant suivi sa première formation en maçonnerie au Rwanda, en 2002, après
son retour en République Démocratique du
Congo, elle a bénéficié d’une autre
formation en maçonnerie au centre don bosco Ngagi en territoire de Nyiragongo,
non loin de la ville de Goma pour consolider ses
connaissances. En tant que maçonne
qualifiée, Mumbiya a déjà participé à la construction de plusieurs bâtiments,
tant publics que privés. «C’est depuis la
disparition de mon mari que j’ai pris la décision de devenir maçonne afin de
subvenir aux besoins de ma famille. Je suis très fière de mon métier, bien
que la plupart de gens qui me voient sur un chantier, se posent trop des
questions sur moi. Je collabore bien avec mes collègues maçons. Chacun remplit
la tâche lui attribuée par le chef de chantier, chaque jour. Aujourd’hui, par
exemple, je suis au rez-de-chaussée en train de faire le crépissage, ce qui est
ma tâche du jour», se félicite-t-elle avant de se réjouir: «ce travail me permet de scolariser mes
enfants. Il y a deux qui ont obtenu leur diplôme d’Etat, l’un en construction
et l’autre en pédagogie générale. Je suis ravie de mes réalisations en tant que
veuve depuis 14 ans, en dépit de mon
âge, sexagénaire».
Peintre professionnelle à 20 ans, cela fait deux ans depuis
que Wisline Katungu exerce avec passion,
ce métier qu’elle a appris d’une formation spécifique de six mois. Dans sa
carrière professionnelle, elle peint déjà des maisons et autres objets
d’art. «Devenir peintre était mon
rêve d’antan, raison pour laquelle j’exerce avec soins mon métier »,
déclare-t-elle. Elle poursuit: «en outre, je paie les frais scolaires de
mon frère de la troisième année primaire. Pour moi, c’est une satisfaction de
prendre en charge l’un de mes frère».
Dans le domaine des transports en commun à Goma, Esther
Hadassa est la première conductrice d’un véhicule. Elle est contente d’avoir
ouvert la voie à d’autres femmes, dans ce secteur. C’est depuis environ deux
ans qu’elle œuvre comme chauffeur de minibus, empruntant les mêmes tronçons que ses collègues hommes. Ce, quel
que soit l’état de la route. «J’aime
faire ce que les autres femmes rechignent. Je suis la propriétaire du minibus
que je conduis. C’est qu’il faut savoir, je gagne ma vie en étant chauffeur de
minibus de transport en commun», renseigne la conductrice.
Soutenue par la loi
Généralement, ces femmes passent la plupart de leur temps aux
côtés des hommes, en train de travailler. L’article 2 du code de travail
congolais, à son alinéa 1, stipule: «Le
travail est pour chacun un droit et un devoir. Il constitue une obligation
morale pour tous ceux qui n'en sont pas empêchés par l'âge ou l'inaptitude au
travail constatée par un médecin». Me John Kazembe, avocat au barreau de
Lubumbashi, exerçant à Goma, explique que les lois
de la République donnent à la femme la possibilité de travailler dans le
secteur de son choix, sans attendre l’autorisation de son mari, si elle est
mariée. La constitution de la RDC à son article 14 stipule : « que le pouvoir public doit assurer qu’il n’y ait
pas de discrimination à l’égard de la femme. Le fait de voir les femmes dans les secteurs de travail, être considéré
comme des hommes, est une chose à encourager, car de notre côté, nous voyons
qu’il y a une prise de conscience chez la femme», indique-t-il. En effet, l’article 14 de la
constitution stipule ce qui suit: «Les
pouvoirs publics veillent à l'élimination de toute forme de discrimination à
l'égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits. Ils prennent, dans tous les domaines,
notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel,
toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la
pleine participation de la femme au développement de la nation. Ils prennent
des mesures pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans
la vie publique et dans la vie privée. La femme a droit à une représentation
équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L'Etat
garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans les dites institutions.
La loi fixe les modalités d'application de ces droits».
Appréciées par
tous
La majorité des collègues de service de ces femmes ne
trouvent pas la différence dans l’exercice de leur métier. Tel est le cas de
Faustin Safari, chef de chantier sur lequel Victorine Mumbiya travaille comme
maçonne. Il apprécie la façon dont elle exerce son métier. «Depuis que j’ai commencé à travailler comme maçon, c’est ma première
fois de travailler avec une femme maçons. J’ai eu à travailler avec les femmes
aide-maçons, mais pas avec des femmes maçonnes qualifiées comme Victorine. Elle
fait un travail excellent et de qualité et au même rythme que les hommes», témoigne Faustin Safari.
«Elodie Mirindi est une
femme courageuse. Lorsqu’elle s’était inscrite à l’institut de bâtiments et
travaux publics (IBTP)
personne de la famille ne croyait qu’elle
irait jusqu’au bout. Aujourd’hui, c’est elle qui prend en charge notre famille.
En cas de problème, surtout financier, nous recourons souvent à elle. »
Indique Katembo Mwira, l’un des cousins d’Elodie Mirindi.
Me Prisca Kamala, avocate au barreau de Goma, pense que les
gens qui voient la femme exercée l’un des métiers jadis réservés aux hommes par
la société, souvent ils sont surpris de ce que fait cette femme. «Les femmes qui font ce genre de travail sont
critiquées par les hommes quand elles échouent mais si elles réussissent ces
derniers manquent quoi dire ». Pour elle « la société doit évoluer en laissant la femme travaillée à compétence
égale avec les hommes ».
Valentine…