vendredi 14 octobre 2016

Des nouveaux bulletins scolaires sécurisés pour contrer la fraude



(RCN Justice &Démocratie - UCOFEM - JED) depuis des années, les bulletins de fin d’années scolaires étaient imprimés localement. Pour cette année scolaire 2015 – 2016, le ministère provincial de l’éducation et la nouvelle citoyenneté a reçu des bulletins scolaires venus de Kinshasa. L’objectif poursuivi est d’uniformiser ces parchemins et contrer ainsi toute falsification, pratique réprimée en droit congolais. A Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, de faux bulletins, différents les uns des autres, circulaient et prêtaient à confusion quant à leur authenticité.


A la proclamation de résultat de fin d’année scolaire 2015-2016, les parents d’élèves et écoliers étaient surpris de la qualité  des bulletins que recevaient leurs enfants. C’est comme par exemple Godelive Uwima , une jeune mère. Elle déclare se réjouir que «l’uniformisation des bulletins scolaire au niveau national est une bonne chose car il va permettre de faire le suivi des enfants et s’assurer de la crédibilité en cas de changement d’établissement scolaire».
Inquiète cependant, Rehema Bahii habitante du quartier Kyeshero, dit regretter que l’un de ses enfants n’ait pu avoir ses notes transcrites sur le nouveau bulletin. «Je ne sais pas pourquoi l’école de mon fils a donné les anciens bulletins, tandis qu’à celle de sa sœur, on a donné des bulletins de bonne qualité sur imprimé de valeur.  J’estime que toutes les écoles devraient  donner des bulletins pareils à la proclamation. Quand j’ai posé la question, le responsable de l’école m’a répondu que ces nouveaux bulletins scolaires viennent de Kinshasa. Et ils sont sécurisés car ils ne peuvent être falsifiés», ajoute Rehema.   
La décision des autorités d’uniformiser les bulletins sur toute l’étendue de la République est saluée par Jean Banyungu Kameshe, directeur de l’école primaire Kibumba 2, une école conventionnée protestante de la ville de Goma. «Il n y a pas moyen de falsifier  ces bulletins  car ils contiennent  un cachet sec à l’intérieur», se réjouit-il.
Avis partagé par Kwabo Kisanga, directeur de l’école primaire Nyiragongo qui pense que le gouvernement a bien agit en uniformisant des bulletins. Il se félicite de la  solution qui vient mettre fin au problème de fraude en milieu scolaire avec le cachet incorporé dans le bulletin. Il y a des codes pour chaque degré ; c’est difficile pour les enfants qui ont l’habitude d’acheter les bulletins pour passer dans les classes supérieures  de falsifier ce document scolaire car n’ayant pas accès à ces codes». Il ajoute que des responsables scolaires comme certains parents sont passés maîtres, les uns dans la fabrication de faux bulletins, tandis que les autres dans la corruption  pour faire passer, coûte que coûte, leurs enfants.  Pire, certains responsables d’école falsifient les bulletins ; ce qui les rend coupables de faux en écriture et usage de faux.


 La loi réprime

L’article 124 du code pénal livre II stipule que : « le faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire sera puni d’une servitude pénale de six mois  à cinq ans  et d’une amende de vingt-cinq à deux mille francs ou d’une de ces peines. » et l’article 126 du même code stipule : « celui qui, dans une intention frauduleuse ou dessein de nuire, aura fait usage de l’acte faux ou de la pièce fausse, sera puni comme s’il était l’auteur du faux.
Maitre Paulette Dinanga, défenseur judiciaire près le tribunal de grande instance de Goma souligne que bon nombre d’enfants qui pratiquaient la fraude en achetant les bulletins scolaires recourent à la pratique car ils ne suivent pas convenablement le cours à l’école.  «L’impression des bulletins scolaires au niveau de la capitale est une bonne chose car, ça  permettra d’avoir une idée claire et sûre sur le parcours scolaire des enfants. Ce qui va  décourager les enfants qui attendent la fin de l’année pour monter de classe en achetant de bulletin. Mais avec cette innovation, les responsables d’établissements scolaires sont obligés de déclarer à l’inspection le nombre exact  d’élèves ou écoliers avant de recevoir ces documents scolaires».
Une méthode saluée…
« Aucune possibilité de tricherie n’est de mise avec ces nouveaux bulletins dont l’un des objectifs est sans doute de décourager les élèves qui se contentent d’attendre la fin de l’année pour passer de classe en achetant le bulletin qui leur offre le visa pour la classe montante. Je crois que si les chefs d’établissement scolaire exigent les nouveaux bulletins à l’inscription, beaucoup d’entre eux seront obligés de suivre correctement les cours en classe », pense Musanzi Kavira Juliette, prefinaliste en pédagogie générale à l’institut Faraja.
« Je pense que cette façon de faire de la part du gouvernement est une bonne chose car elle va contribuer d’une manière ou d’une autre à l’élévation du niveau des élèves ou écoliers car ceux-là qui se contentent d’acheter les bulletins se verront obligés de suivre correctement les leçons en classe avec les autres car ils n’auront plus le moyen de se taper un bulletin», se félicite, pour sa part, Salomon Luneno élève en quatrième année secondaire, section nutrition à l’institut Alléluia. Il dit reconnaître d’anciens condisciples qui ont lamentablement échoué en classe mais se retrouvent dans la classe montante après avoir acheté de bulletin sans malheureusement un niveau requis. 

Certains parents d’élèves restent sceptiques. Ils  pensent que bien que sécurisé, le nouveau bulletin est toujours sujet à fraude puisque certains responsables d’écoles  pourraient toujours faire une fausse déclaration sur le nombre d’élèves pour se procurer une réserve importante de bulletins à trafiquer.
Mumbere Zawadi, parent d’élève, s’imagine le génie des contrefacteurs congolais.  «Facilement, les techniciens en la matière peuvent imprimer le même bulletin car il y a des personnes qui fabriquent localement le cachet sec s’ils trouvent quelqu’un qui les aide avec le code ; et facilement ils peuvent produire le même document et la fraude va continuer».
Le sous-proved de la ville de Goma, Zacharie Rwangano indique que l’impression de nouveaux bulletins à Kinshasa est une instruction officielle soutenue par une note circulaire du ministère de tutelle qui vise à  lutter contre la circulation de fausses pièces. « C’est pour cela que pour l’année scolaire 2015-2016, les bulletins donnés aux enfants sont venus de la capitale congolaise. Quand on demande aux gestionnaires d’école d’imprimer les bulletins, chacun fait selon son modèle, et il n’y a pas moyen de faire le contrôle de mouvement des bulletins scolaires. Mais quand ils viennent d’une seule imprimerie qui a pris des précautions pour que ces derniers ne soient pas falsifiés, il y a là une garantie de faire un bon suivi car  ayant déjà un modèle du document uniforme. Un bulletin qui n’a pas le n° d’identification de l’élève qui est octroyé seulement par le service national d’identification d’élève ou écolier est un faux bulletin. Dans les prochains jours tout enfant qui ne possèdera pas ce genre de bulletin sera considéré comme un fraudeur».
Il y a un principe en droit qui dit que « la fraude corrompt tout », rappelle Me Patrick Butsiire Shebalaire. Il estime qu’un enfant qui achète lui-même un bulletin scolaire commet la fraude intellectuelle en s’appropriant la connaissance qu’il n’a pas. De même que la personne qui a aidé l’enfant à la confection du faux bulletin commet la fraude matérielle.  «L’enfant qui a acheté le bulletin peut être poursuivi par la loi pour faux et usage de faux. Le gouvernement a bien fait de mettre à la disposition des écoles des documents fiables et sécurisés pour diminuer tant soit peu la fraude en milieu scolaire. Il reste aux chefs d’établissements scolaires de s’impliquer pour que cette méthode devienne une habitude afin de décourager les enfants paresseux qui achètent le bulletin à la fin de l’année pour monter de classe sans rien en tête».
VALENTINE BAENI