(RCN Justice &Démocratie - UCOFEM - JED)
depuis des années, les bulletins de fin d’années scolaires étaient imprimés
localement. Pour cette année scolaire 2015 – 2016, le ministère provincial de
l’éducation et la nouvelle citoyenneté a reçu des bulletins scolaires venus de
Kinshasa. L’objectif poursuivi est d’uniformiser ces parchemins et contrer
ainsi toute falsification, pratique réprimée en droit congolais. A Goma,
capitale de la province du Nord-Kivu, de faux bulletins, différents les uns des
autres, circulaient et prêtaient à confusion quant à leur authenticité.
A la proclamation de résultat
de fin d’année scolaire 2015-2016, les parents d’élèves et écoliers étaient
surpris de la qualité des bulletins que
recevaient leurs enfants. C’est comme par exemple Godelive Uwima , une jeune
mère. Elle déclare se réjouir que «l’uniformisation
des bulletins scolaire au niveau national est une bonne chose car il va
permettre de faire le suivi des enfants et s’assurer de la crédibilité en cas
de changement d’établissement scolaire».
Inquiète cependant, Rehema
Bahii habitante du quartier Kyeshero, dit regretter que l’un de ses enfants n’ait
pu avoir ses notes transcrites sur le nouveau bulletin. «Je ne sais pas pourquoi l’école de mon fils a donné les anciens
bulletins, tandis qu’à celle de sa sœur, on a donné des bulletins de bonne
qualité sur imprimé de valeur. J’estime
que toutes les écoles devraient donner
des bulletins pareils à la proclamation. Quand j’ai posé la question, le
responsable de l’école m’a répondu que ces nouveaux bulletins scolaires
viennent de Kinshasa. Et ils sont sécurisés car ils ne peuvent être falsifiés»,
ajoute Rehema.
La décision des
autorités d’uniformiser les bulletins sur toute l’étendue de la République est
saluée par Jean Banyungu Kameshe, directeur de l’école primaire Kibumba 2, une
école conventionnée protestante de la ville de Goma. «Il n y a pas moyen de falsifier ces bulletins car ils contiennent un cachet sec à l’intérieur», se
réjouit-il.
Avis partagé par Kwabo
Kisanga, directeur de l’école primaire Nyiragongo qui pense que le gouvernement
a bien agit en uniformisant des bulletins. Il se félicite de la solution qui vient mettre fin au problème de fraude en milieu scolaire avec le cachet incorporé
dans le bulletin. Il y a des codes pour chaque degré ; c’est difficile
pour les enfants qui ont l’habitude d’acheter les bulletins pour passer dans
les classes supérieures de falsifier ce
document scolaire car n’ayant pas accès à ces codes». Il ajoute que des
responsables scolaires comme certains parents sont passés maîtres, les uns dans
la fabrication de faux bulletins, tandis que les autres dans la corruption pour faire passer, coûte que coûte, leurs
enfants. Pire, certains responsables
d’école falsifient les bulletins ; ce qui les rend coupables de faux en
écriture et usage de faux.
La loi réprime
L’article 124 du code
pénal livre II stipule que : « le
faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire
sera puni d’une servitude pénale de six mois
à cinq ans et d’une amende de
vingt-cinq à deux mille francs ou d’une de ces peines. » et l’article 126
du même code stipule : « celui qui, dans une intention frauduleuse ou
dessein de nuire, aura fait usage de l’acte faux ou de la pièce fausse, sera
puni comme s’il était l’auteur du faux.
Maitre Paulette
Dinanga, défenseur judiciaire près le tribunal de grande instance de Goma
souligne que bon nombre d’enfants qui pratiquaient la fraude en achetant les bulletins
scolaires recourent à la pratique car ils ne suivent pas convenablement le
cours à l’école. «L’impression des
bulletins scolaires au niveau de la capitale est une bonne chose car, ça permettra d’avoir une idée claire et sûre sur
le parcours scolaire des enfants. Ce qui va
décourager les enfants qui attendent la fin de l’année pour monter de
classe en achetant de bulletin. Mais avec cette innovation, les responsables
d’établissements scolaires sont obligés de déclarer à l’inspection le nombre
exact d’élèves ou écoliers avant de
recevoir ces documents scolaires».
Une méthode saluée…
« Aucune possibilité de tricherie n’est de mise avec
ces nouveaux bulletins dont l’un des objectifs est sans doute de décourager les
élèves qui se contentent d’attendre la fin de l’année pour passer de classe en
achetant le bulletin qui leur offre le visa pour la classe montante. Je crois
que si les chefs d’établissement scolaire exigent les nouveaux bulletins à
l’inscription, beaucoup d’entre eux seront obligés de suivre correctement les cours
en classe », pense Musanzi Kavira Juliette,
prefinaliste en pédagogie générale à l’institut Faraja.
« Je pense que cette façon de faire de la part du
gouvernement est une bonne chose car elle va contribuer d’une manière ou d’une
autre à l’élévation du niveau des élèves ou écoliers car ceux-là qui se contentent
d’acheter les bulletins se verront obligés de suivre correctement les leçons en
classe avec les autres car ils n’auront plus le moyen de se taper un bulletin»,
se félicite, pour sa part,
Salomon Luneno élève en quatrième année secondaire, section nutrition à
l’institut Alléluia. Il dit reconnaître d’anciens condisciples qui ont
lamentablement échoué en classe mais se retrouvent dans la classe montante
après avoir acheté de bulletin sans malheureusement un niveau requis.
Certains parents d’élèves
restent sceptiques. Ils pensent que bien
que sécurisé, le nouveau bulletin est toujours sujet à fraude puisque certains
responsables d’écoles pourraient
toujours faire une fausse déclaration sur le nombre d’élèves pour se procurer
une réserve importante de bulletins à trafiquer.
Mumbere Zawadi, parent
d’élève, s’imagine le génie des contrefacteurs congolais. «Facilement, les techniciens en la matière
peuvent imprimer le même bulletin car il y a des personnes qui fabriquent
localement le cachet sec s’ils trouvent quelqu’un qui les aide avec le
code ; et facilement ils peuvent produire le même document et la fraude va
continuer».
Le sous-proved de la
ville de Goma, Zacharie Rwangano indique que l’impression de nouveaux bulletins
à Kinshasa est une instruction officielle soutenue par une note circulaire du
ministère de tutelle qui vise à lutter
contre la circulation de fausses pièces. « C’est
pour cela que pour l’année scolaire 2015-2016, les bulletins donnés aux enfants
sont venus de la capitale congolaise. Quand on demande aux gestionnaires
d’école d’imprimer les bulletins, chacun fait selon son modèle, et il n’y a pas
moyen de faire le contrôle de mouvement des bulletins scolaires. Mais quand ils
viennent d’une seule imprimerie qui a pris des précautions pour que ces
derniers ne soient pas falsifiés, il y a là une garantie de faire un bon suivi
car ayant déjà un modèle du document
uniforme. Un bulletin qui n’a pas le n° d’identification de l’élève qui est
octroyé seulement par le service national d’identification d’élève ou écolier
est un faux bulletin. Dans les prochains jours tout enfant qui ne possèdera pas
ce genre de bulletin sera considéré comme un fraudeur».
Il y a un principe en
droit qui dit que « la fraude corrompt tout », rappelle Me Patrick
Butsiire Shebalaire. Il estime qu’un enfant qui achète lui-même un bulletin
scolaire commet la fraude intellectuelle en s’appropriant la connaissance qu’il
n’a pas. De même que la personne qui a aidé l’enfant à la confection du faux
bulletin commet la fraude matérielle. «L’enfant
qui a acheté le bulletin peut être poursuivi par la loi pour faux et usage de
faux. Le gouvernement a bien fait de mettre à la disposition des écoles des
documents fiables et sécurisés pour diminuer tant soit peu la fraude en milieu
scolaire. Il reste aux chefs d’établissements scolaires de s’impliquer pour que
cette méthode devienne une habitude afin de décourager les enfants paresseux
qui achètent le bulletin à la fin de l’année pour monter de classe sans rien en
tête».
VALENTINE BAENI